L'ANTRE DE LA SORCIERE
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 le cadeau a falalire comme promis

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bullit




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MessageSujet: le cadeau a falalire comme promis   le cadeau a falalire comme promis Icon_minitimeMer 28 Nov - 2:56

extrait " le grand troupeau '' le grand troupeau est sans nul doute le meilleur roman de giono et l'un des plus beaux romans au monde . ce roman est un terrible pamphlet contre la guerre et alternativement un fantastique hymne a la terre , a la nature .



Elle mangera vos béliers,
vos brebis et vos moissons



La nuit d'avant, on avait vu le grand départ de tous les hommes. C'était une épaisse nuit d'août qui sentait le blé et la sueur de cheval. Les attelages étaient là dans la cour de la gare. Les gros traîneurs de charrues on les avait attachés dans le brancards des charrettes et ils retenaient à plein reins des chargements de femmes et d'enfants.
Le train doucement s'en alla dans la nuit : il cracha de la braise dans les saules, il prit sa vitesse. Alors les chevaux se mirent à gémir tous ensemble.

*

Ce matin-là, la bouchère vint, comme d'habitude, sur le pas de sa porte pour balayer le ruisseau; le cordonnier était déjà là, les mains dans sa poche de ventre à regarder, à renifler, il bougeait la tête de temps en temps comme quand on chasse une mouche.

- Rose, il lui dit, tu as su l'affaire ?

- Quelle affaire, dit Rose ? Et elle resta, le balai en l'air.

L'atelier du cordonnier, la boucherie, c'est du même côté de la rue et porte à porte. Le cordonnier fit un petit pas de côté comme pour la danse, et rien que ça il vint, tout près de Rose.

- Tu as vu le Boromé, il dit ?

- Lequel ?

- Comment lequel ? Pas le jeune, sûr, tu sais bien qu'il est parti avec les autres; le vieux, mon collègue.

- Non.

- Moi, il vient de venir, c'est de ça que j'en suis sorti; il a poussé ma porte, il a fait : « Oh ! » J'ai dit : « Oh Boromé. » Il m'a dit : « Tu as fait ce café ? » Alors il a pris le café avec moi. Il paraît que du côté du plan des Hougues (le Boromé n'a pas pu dormir de ce que son fils est parti et il est allé marché en colline toute la nuit), il paraît que du côté du plan des Hougues il a vu au ras de la terre une roche toute fraîchement délitée. « Elle est comme neuve, il m'a dit; dessus cette roche on a l'air d'avoir affouillé la terre, par exprès, mais en passant dessus à beaucoup; pas des hommes, des bêtes, comme un grand troupeau, avec des pieds durs et une fois la terre usée la pierre s'est montrée. » Il m'a dit ça. Et sur cette pierre, on lit, gravé dessus, un triangle avec des pointes et puis un rond avec une flèche collée.



Rose n'a pas bougé ses pieds, elle s'est reculée du buste et elle regarde le cordonnier d'un peu loin, avec des yeux de poule.

- Tu me fais peur ! elle dit.



Le clocher sonna huit heures; et le jour était sans changement, le soleil descendait, comme tous les matins sur la pente des toits de la maison d'Alic.

Avant de sortir, là-bas en face, l'épicière renversa une chaise et des boîtes de conserves, ça voulait dire qu'elle était pressée parce que, grosse comme elle est...

Et sans prendre respiration, elle appela, comme une qui se noie :
- Rose ! Père Jean ! Vous ne sentez pas ?
Ils donnèrent deux ou trois pompées de nez avant de répondre :

- Quoi ?

- Sentez, dit l'épicière, puis elle traversa la rue.

- Vous avez le nez bouché, donc ! Moi, j'étais à mon second là-haut, voir ce qui me restait de sucre; dès que j'ai ouvert le fénestron, cette odeur m'a sauté à la figure comme un chat. J'en ai eu chaud sur les joues, que j'en suis encore toute rouge.

- Maintenant, je sens, dit le cordonnier.

- Moi aussi, dit Rose, et elle se recula encore du buste pour regarder l'épicière et le cordonnier du haut de sa tête.

C'était une odeur de laine, de sueur et de terre écrasée; ça remplissait le ciel.

- Qu'est-ce que c'est ça ?

- Je me le demande, dit le cordonnier.

Ils levèrent les yeux au ciel, tous les trois ensembles, parce qu'une ombre venait comme d'effacer le jour : au-dessus des toits un large étendard de poussière passait devant le soleil.

Et alors ils entendirent le bruit.

Cela faisait comme une belle eau qui coule, une eau épaisse lâchée hors de son lit et elle semblait sonner dans tous les ressauts de la terre et du ciel à gros bourdon de cloches. Ça avançait, les cloches et le bruit d'eau et, par instants, la poussière passait là-haut en paquets de nuages et le jour de la rue devenait roux-muscat, roux comme du jus de raisin et enfin arriva, déployé dans la fumée du ciel, un vol de gémissements et de plaintes, comme le gémissements des chevaux la nuit d'avant.

Père Jean regarda Rose et l'épicière : il mâchait de gros flocons de sa barbe blanche, puis il crachait les poils coupés.

- Ah ! moi, je vais voir, il dit.

- Attendez-nous, on y va aussi.

Rose lâcha le balai, l'épicière boutonna son caraco. Ils descendirent la rue tous les trois.

Et Malan, le retraité, descendait aussi la rue en courant; il était en bras de chemise et rasé d'un côté, une joue nette, une joue savonnée et, tout en courant, il tournait la tête et il regardait en l'air comme un qui s'enlève de devant une nue d'orage.



La route de la montagne passe devant le bourg. Là, elle fait un coude, un beau détour autour d'une fontaine, puis elle s'en va vers les plaines où de ce temps on voit trembler le chaud.

A ce coude-là, il y avait déjà tous les vieux du « Cercle des travailleurs », la buraliste avec ses yeux de sang et puis des femmes, et puis des petits qui tenaient les jupes des femmes à pleines mains. Le vieux Burle ouvrit sa fenêtre : il était malade, en chemise de lit et un cataplasme de papier gris sur la poitrine; mais il ouvrit sa fenêtre toute grande, il huma l'air et il resta là.

A en juger par le bruit, la chose venait du côté de la montagne et même elle était déjà dans le bourg, là-bas, dans le quartier Saint-Lazare; les maisons fumaient de poussière comme si elles s'écroulaient dans leurs gravats.

- Trop beau, je dis, dit le cordonnier, et puis c'est venu le temps de la pourriture. La vigne est pourrie : une tache sur la feuille comme un doigt sale et tout se sèche.

Sa bouche resta ouverte au fond de sa barbe pour d'autres mots. On entendait maintenant des cloches et des sonnette et, à ras de terre, un bruit de pieds et, à hauteur du ventre, un bruit de bêlements et de cris d'agneaux.

- Burle, qu'est-ce que tu en dis, appela Malan ?

- Des moutons, dit Burle. Il parlait rare, en écrasant son mal de poitrine entre ses vieilles dents. Des moutons, mais jamais de ma vie un tel bruit...

Un vol de grosses mouches sonna dans le feuillage des ormes comme de la grêle. Un nuage d'hirondelles et qui portait des pigeons perdus dévia son ventre blanc dans le ciel et passa en grésillant comme de l'huile à la poêle.

- La pourriture, dit le cordonnier. Sur la Durance, il y a des îles de poissons morts. Si tu en prends, ça te coule dans les doigts en boue d'écailles et de pourriture.

La laitière Babeau qui était juste devant lui, à attendre comme tous, se tourne un peu de côté.

- C'est dans l'air, elle dit. Et hier soir, tu as vu ?

- Oui ! et toi ?

- Oui ! De retour de la gare, je me suis fraîchie au pas de la porte; j'avais la peau brûlante de tout ça. Alors, j'ai vu, de là-bas jusque-là, une grande chose de lumière, ça semblait une patte de canard.

- Ça semblait une grande feuille d'armoise tout en or, dit le cordonnier.

Mais maintenant, tout l'air tremblait et on ne pouvait plus parler.

Alors, on vit arriver un vieil homme et, derrière lui, la tête d'un troupeau.

- Sainte Vierge ! dit la laitière.

- Il est fou celui-là ! cria Burle.

Il y avait le gros soleil et la poussière, et l'épaisse chaleur sur les routes si difficile à trouer d'un pas d'homme ou de bête; ce soleil comme une mort !...

Le cordonnier dit dans sa barbe :

- La guerre ! Cest cette guerre qui les fait descendre.
Du coup, autour de lui, on ferma la bouche, et Burle même comprit là-haut et les autres comprirent, tout seuls.
Les cœurs se mirent à taper des coups sourds un peu plus vite. On pensait à cette nuit d'avant qui sentait trop le blé. Oui, trop le blé. Et quelle vague de dégoût à sentir cette odeur de blé, à voir les petits enfants dans les bras des femmes, toujours bien pleines de plaisir, sur leurs deux jambes ; à comprendre tout ça, en même temps que les beaux hommes partaient dans le gémissement des chevaux.



Devant les moutons, l'homme était seul.
Il était seul. Il était vieux. Il était las à mort. Il n'y avait qu'à voir son traîné de pied, le poids que le bâton pesait dans sa main. Mais il devait avoir la tête pleine de calcul et de volonté.

Il était blanc de poussière de haut en bas comme une bête de la route. Tout blanc.

Il repoussa son chapeau en arrière et puis, de se poings lourds, il s'essuya les yeux; et il eut comme ça, dans tout ce blanc, les deux larges trous rouges de ses yeux malades de sueur. Il regarda tout le monde de son regard volontaire. Sans un mot, sans siffler, sans gestes, il tourna le coude de la route et on vit alors ses yeux aller au fond de la ligne droite de la route, là-bas, jusqu'au fond et il voyait tout : la peine et le soleil.
D'un coup de bras, il rabaissa le chapeau sur sa figure, et il passa en traînant ses pieds.
Et, derrière lui, il n'y avait pas de bardot portant le bât, ni d'ânes chargés de couffes, non; seulement, devançant les moutons de trois pas, juste après l'homme, une grande bête toute noire et qui avait du sang sous le ventre.

La bête prit le tournant de la route. Cléristin avait mis ses lunettes. Il plissa le nez et il regarda :

- Mais, c'est le bélier, il dit, c'est le mouton-maître. C'est le bélier !

On fit oui de la tête tout autour de lui. On voyait le bélier qui perdait son sang à fil dans la poussière et on voyait aussi la dure volonté de l'homme qui poussait tous les pas en avant sur le malheur de la route.

Cléristin enleva son chapeau et se gratta la tête à pleins doigts. Burle se pencha hors de sa fenêtre pour suivre des yeux, le plus loin qu'il pouvait, ce bélier sanglant. Il avait été patron berger dans le temps. Il se pencha, son cataplasme se décolla de ses poils de poitrine.

- C'est gâcher la vie, il disait, c'est gâcher la vie...

Enfin, il remonta son cataplasme, il se recula et il ferma sa fenêtre avec un bon coup sur l'espagnolette.

Le vieux berger était déjà loin, là-bas dans la pente. Ça suivait tout lentement derrière lui. C'étaient des bêtes de taille presque égale serrées flanc à flanc, comme des vagues de boue, et, dans leur laine il y avait de grosse abeilles de la montagne prisonnières, mortes ou vivantes. Il y avait des fleurs et des épines; il y avait de l'herbe toute verte entrelacée aux jambes. Il y avait un gros rat qui marchait en trébuchant sur le dos des moutons. Une ânesse bleue sortit du courant et s'arrêta, jambes écartées. L'ânon s'avança en balançant sa grosse tête, il chercha la mamelle et, cou tendu, il se mit à pomper à pleine bouche en tremblant de la queue. L'ânesse regardait les hommes avec ses beaux yeux moussus comme des pierres de forêt. De temps en temps elle criait parce que l'ânon têtait trop vite.

C'étaient des bêtes de bonne santé et de bon sentiment, et ça marchait encore sans boiter. La grosse tête épaisse, aux yeux morts, était pleine encore des images et des odeurs de la montagne. Il y avait, par là-bas devant, l'odeur du bélier maître, l'odeur d'amour et de brebis folle; et les images de la montage. Les têtes aux yeux morts dansaient de haut en bas, elles flottaient dans les images de la montagne et mâchaient doucement le goût des herbes anciennes : le vent de la nuit qui vient faire son nid dans la laine des oreilles et les agneaux couchés comme du lait dans l'herbe fraîche, et les pluies !...

Le troupeau coule avec son bruit d'eau, il coule à route pleine; de chaque côté il frotte contre les maisons et les murs des jardins. L'ânon s'arrête de têter, il est ivre. Il tremble sur ses pattes. Un fil de lait coule de son museau. L'ânesse lèche les yeux du petit âne, puis elle se tourne, elle s'en va, et l'ânon marche derrière elle.


Vint un autre bélier, et on le chercha d'abord sans le voir; on entendait sa campane, mais rien ne dépassait les dos des moutons et on cherchait le long de la troupe. Et puis on le vit : c'était un mâle à pompons noirs. Ses deux larges cornes en tourbillons s'élargissaient comme des branches de chêne. Il avait posé ses cornes sur les dos des moutons, de chaque côté de lui et il faisait porter sa lourde tête; sa tête branchue flottait sur le dos des bêtes comme une souche de chêne sur la Durance d'orage. Il avait du sang caillé sur ses dents et dans ses babines.




" jean giono "
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